lundi 6 octobre 2008

Brassens vs Goldman



En 2001 (c'est fou comme le temps passe), France 2 rendait un hommage à Georges Brassens. Je te passe les détails techniques, les vedettes chargées d'interpréter une chanson du bonhomme, le public de figurants, les petits fours et la jovialité de Drucker en charge de la présentation. J'en viens au sujet.

Jean-Jacques Goldman a entonné une chanson de tonton Georges après avoir répété à l'envi que, Brassens, il ne connaissait pas. Pourquoi il était là, mystère. Peut-être un disque à promouvoir... A ce moment-là, déjà, il a commencé à me gonfler, mais ça n'était pas fini.

Maxime Le Forestier (grand fan de Brassens, il a enregistré l'intégralité des ses chansons) avait choisi d'interpréter Mourir pour des idées, à mon sens une des plus belles chansons pacifistes de tous les temps.

Mourir pour des idées, l'idée est excellente
Moi j'ai failli mourir de ne l'avoir pas eue
Car tous ceux qui l'avaient, multitude accablante
En hurlant à la mort me sont tombés dessus
Ils ont su me convaincre et ma muse insolente

Abjurant ses erreurs, se rallie à leur foi

Avec un soupçon de réserve toutefois

Mourons pour des idées, d'accord, mais de mort lente,
D'accord, mais de mort lente


Jugeant qu'il n'y a pas péril en la demeure

Allons vers l'autre monde en flânant en chemin

Car, à forcer l'allure, il arrive qu'on meure

Pour des idées n'ayant plus cours le lendemain

Or, s'il est une chose amère, désolante

En rendant l'âme à Dieu c'est bien de constater

Qu'on a fait fausse route, qu'on s'est trompé d'idée

Mourons pour des idées, d'accord, mais de mort lente

D'accord, mais de mort lente


Les saint jean bouche d'or qui prêchent le martyre

Le plus souvent, d'ailleurs, s'attardent ici-bas

Mourir pour des idées, c'est le cas de le dire

C'est leur raison de vivre, ils ne s'en privent pas

Dans presque tous les camps on en voit qui supplantent

Bientôt Mathusalem dans la longévité

J'en conclus qu'ils doivent se dire, en aparté

"Mourons pour des idées, d'accord, mais de mort lente

D'accord, mais de mort lente"

Des idées réclamant le fameux sacrifice

Les sectes de tout poil en offrent des séquelles

Et la question se pose aux victimes novices

Mourir pour des idées, c'est bien beau mais lesquelles ?

Et comme toutes sont entre elles ressemblantes

Quand il les voit venir, avec leur gros drapeau

Le sage, en hésitant, tourne autour du tombeau

Mourons pour des idées, d'accord, mais de mort lente

D'accord, mais de mort lente


Encor s'il suffisait de quelques hécatombes

Pour qu'enfin tout changeât, qu'enfin tout s'arrangeât

Depuis tant de grands soirs que tant de têtes tombent

Au paradis sur terre on y serait déjà

Mais l'âge d'or sans cesse est remis aux calendes

Les dieux ont toujours soif, n'en ont jamais assez

Et c'est la mort, la mort toujours recommencée

Mourons pour des idées, d'accord, mais de mort lente

D'accord, mais de mort lente


O vous, les boutefeux, ô vous les bons apôtres

Mourez donc les premiers, nous vous cédons le pas

Mais de grâce, morbleu! laissez vivre les autres!

La vie est à peu près leur seul luxe ici bas

Car, enfin, la Camarde est assez vigilante

Elle n'a pas besoin qu'on lui tienne la faux

Plus de danse macabre autour des échafauds!

Mourons pour des idées, d'accord, mais de mort lente

D'accord, mais de mort lente


Avec un sourire condescendant, Goldman a qualifié cette chanson d'obscène. Quelques jours plus tard, dans une interview, il enfonçait le clou en traitant Brassens de planqué. Moi, je traiterais bien Goldman de gros con, mais je mettrai de l'eau dans mon vin, eu égard à l'histoire de sa famille.
Comme les Juifs de sa génération, Goldman résume l'engagement (je parle de l'engagement physique, pas du débat d'idées) à la Résistance pendant la seconde guerre mondiale. S'il avait vécu à cette époque, il n'aurait pas eu à choisir son camp, d'autres l'auraient fait pour lui. Il aurait été dans le camp des persécutés, point barre. Mais qu'aurait-il fait à la place de Brassens ? Peut-être serait-il entré en résistance, peut-être se serait-il engagé dans la Milice pour casser du Juif et du communiste, va savoir. Il n'a vécu ni la misère ni la guerre, sinon par personnes interposées.

Goldman aurait mieux fait de la fermer. Lui-même n'a pas dit autre chose que Brassens dans Né en 17 à Leidenstadt :

Et qu'on nous épargne à toi et moi si possible très longtemps
D'avoir à choisir un camp

Mais comme tout ce que Goldman pourra écrire de signifiant, Brassens l'aura écrit avant lui, en mieux et en plus fort.

Quittons le contexte encore trop douloureux de la guerre de 39-45. Je défie quiconque de trouver dans le texte de Brassens une seule contre-vérité. Une seule phrase qui critique l'engagement personnel. Seul l'embrigadement et condamné.
Vouloir se tenir à l'écart de la folie des hommes, ce n'est pas se taire. Brassens ne s'est pas tu. A son époque, plusieurs de ses chansons ont été interdites. Goldman peut-il en dire autant ? Et si, comme il l'affirme, des gens se sont battus pour que Monsieur Brassens continue à gratter sa guitare, c'est grâce, entre autres, à Monsieur Brassens que Monsieur Goldman peut aujourd'hui s'exprimer librement.

La vérité d'aujourd'hui n'est pas celle d'hier ni celle de demain. Qui a raison, qui a tort ? Avions-nous raison en Indochine ? En Algérie ? Avons-nous raison en Afghanistan ? A-t-on raison en Amérique, en Somalie, en Irak, au Pakistan ? A quoi ont servi tous ces sacrifices pour que nos enfants vivent mieux ? Y a-t-il plus de liberté, plus d'égalité, plus de justice, plus de paix ? La faim dans le monde a-t-elle cessé ? Les individus ont-ils tous les mêmes droits, les mêmes chances ? N'y a-t-il plus de morts de froid sur un trottoir, plus d'exclus ? Dieu est-il devenu le dieu de tous ?
Faut-il tuer pour se faire entendre ? Les mutins de 1917 étaient-ils moins héroïques que leurs compagnons morts au combat, Gandhi moins brave que Michael Collins ?

Et si les circonstances font que la lutte armée semble inévitable à certains, tant mieux si d'autres, comptant peut-être sur un utopique bon sens commun, freinent des quatre fers devant l'engrenage.

Si vis pacem, para bellum, tiens, la voilà l'idée à la con pour laquelle on meurt.

Tout ça te passe au-dessus du disque dur, hein, Toto ?
T'inquiète ! Attends qu'on fasse la guerre aux machines, tu vas comprendre.

samedi 4 octobre 2008

Aux chiottes, l'écologie...



Je te parle d'un temps que les moins de vingt ans ne peuvent pas connaître ©, celui où le papier toilette n'existait pas. Et comme, bientôt, il n'existera plus, ce billet d'anthologie servira à l'édification des générations futures (de la chiance-fiction, si tu veux). On va déjà supprimer le mouchoir jetable, après ce sera le tour de l'essuie-tout, enfin adviendra la disparition du PQ. Moi, je suis pour, parce que ça fait quand même beaucoup d'arbres pour pas grand-chose. En attendant, j'ai mis de côté un rouleau de Lotus™, un de Sopalin™ et un paquet de Kleenex™. Dans 20 ans, je revends ça sur Ebay ®, je me fais les couilles en or.

Donc, je vais t'expliquer par le menu la chierie de l'époque (quand je dis "menu" et "chierie", je n'évoque pas le Best Of ® de Mc Do ®, que ce soit clair).

Une petite parenthèse, parce que je commence sérieusement à fatiguer. Je voudrais que les amères loques cessent de nous gonfler avec leurs copyright, trade mark et autre registered. Je n'ai pas que ça à faire d'aller chaque fois dans la table de caractères pour copier-coller leurs logos à la con. Fermez la parenthèse.

Revenons à nos étrons.
Mon but n'est pas, tu t'en doutes, de pondre un historique détaillé et argumenté du pipi-caca (c'est pas le genre de la maison).
Je ne remonterai pas à l'Homme de Cromagnon qui, certainement chiait sans se faire chier là où il était, en vérifiant juste avant si un tigre à dents de sabre ne traînait pas dans le coin.
Je ne parlerai pas des Romains qui déféquaient en choeur sur des chiottes en pierre ou en marbre (pour les culs les plus fins), tout en taillant le bout de gras, se libérant, comme dit l'historien, à la fois le corps et l'esprit.
Je ne t'emmènerai pas non plus à Versailles où les courtisans, faute d'endroit adéquat, allaient se soulager dans les coins les plus obscurs, obligeant les valets ramasseurs de merde à un jeu de piste qui tenait du parcours du combattant. Pour Louis XIV, pas de problème, il s'installait tous les matins sur sa "chaise d'affaire", entouré d'une floppée d'admirateurs fiers d'avoir été invités à un spectacle de qualité (surtout quand le Roi Soleil avait bouffé de la tarte à la rhubarbe).

Non, je vais me cantonner au milieu du 20e siècle, la meilleure période, celle où j'étais petit et où j'avais la même culture que mon père et mon grand-père, ce qui évitait bien des désagréments d'aujourd'hui (oeil rêveur, larme perlant à la paupière, reniflement, etc...).
C'était l'époque où on ne jetait rien qui ne soit récupérable. L'époque du rémouleur, du marchand de bouteilles et du chiffonnier. L'époque où les mecs aiguisaient leurs lames de rasoir et où les femmes reprisaient leurs bas. L'époque où, à la fin de l'année scolaire, on faisait un tour chez le cordonnier, pour remettre à neuf en vue de la prochaine rentrée chaussures et cartables. L'époque où on retournait cols et poignets de chemises quand ils étaient effilochés, où, avec deux draps déchirés ou usés, coupés par le milieu, on en faisait un en bon état, récupérant les moitiés abîmées pour en faire des torchons ou des chiffons à poussière.

L'époque où, une fois que tu avais lu ton journal, tu le mettais sur une pile que tu gardais dans le coin d'un placard. Quand cette pile était trop importante, tu attendais l'heure de passage du chiffonnier auquel tu donnais tes vieux journaux et les vieux chiffons dont tu ne pouvais rien faire et qu'il refourguait pour que tout ça redevienne du beau papier journal et la boucle était bouclée. Sinon, tes journaux tu pouvais aussi les filer au poissonnier, car c'est dans des feuilles de journal qu'il emballait le poisson (jusqu'au jour où on le lui a interdit sous prétexte que l'encre d'imprimerie contient du plomb et que le plomb, les industriels préfèrent le mettre directement dans le poisson plutôt qu'autour). Ensuite tu tapais dans la pile pour tapisser le fond de la poubelle ou la litière du chat. Enfin, tu prenais un journal, tu le découpais en petits rectangles que tu accrochais à un clou à portée de main du siège d'aisance et tu te torchais les fesses avec.
Tu avais compris que c'était là que je voulais en venir ?



Plaidoyer pour la presse :
Les quotidiens, c'est l'avenir. Pour nos enfants, sauver la presse, c'est leur garder le cul propre. Et ça peut même sauver des vies (en même temps que la planète) : dans la première mouture du scénario du Temple du Soleil, on voyait un Aztèque (ou un Inca ou un Maya, ils ont tous la même tronche ces gens-là) en train de caguer dans un coin et de s'essuyer avec un morceau de journal ; Milou, fouille-merde comme tu le sais, va chercher le bout de papier pour jouer avec (il adorait le parfum) ; cette séquence a été coupée au montage, mais tu connais la suite ; attiré par l'odeur, Tintin pique le papier à Milou, éclipse de soleil, etc., etc. Je ne t'en dis pas plus.

Alors, Toto, merdique, mon billet ?
Billet de chiottes toi-même ! Non, mais...

jeudi 2 octobre 2008

Les textes définitifs : 1984


S'inspirant à la fois du totalitarisme soviétique et du fascisme allemand et italien, George Orwell a écrit, en 1948, le roman le plus tristement prémonitoire de la littérature : 1984.

Le monde est séparé en trois blocs se livrant une guerre perpétuelle pour la mainmise sur la quatrième partie, guerre qui se déroule au gré des alliances : l'ennemi d'aujourd'hui est l'allié d'hier ou celui de demain.
Dans l'un de ces blocs, l'Angsoc, Winston Smith, membre de la classe intermédiaire, travaille au Ministère de la Vérité, chargé en permanence de falsifier les archives afin qu'elles correspondent à la situation présente.
La langue parlée est un mélange d'anglais et de novlangue, la nouvelle langue fabriquée à partir de mots accolés, appauvrie, destinée, à terme, à remplacer l'anglais pour ne plus permettre que des échanges et des pensées dénués de sens critique.
Le lavage de cerveau de la population est obtenu par la répétition rituelle de slogans comme : 2+2=5.
Tous les membres du Parti sont sous surveillance permanente, grâce à des télécrans, de la Police de la Pensée qui traque les déviances, tandis que des affiches placardées sur les murs de la ville montrent le visage bienveillant du Chef Suprême de Parti, Big Brother, avec ce texte :

BIG BROTHER VOUS REGARDE

Message d'amour, avertissement, menace ?

Voilà les grandes lignes. Pour savoir le reste, comment Winston se révolte et se fait baiser en canard, tu n'as qu'à lire le bouquin, tu ne perdras pas ton temps. T'as pas de pognon, c'est pas mon problème.

Maintenant tu te tais, c'est l'heure de la Pub :



J'ai dû acheter (ou voler, je ne sais plus) ce bouquin dans les années 60. J'étais jeune alors et 1984 était dans une éternité, donc je l'ai vraiment lu comme de la science-fiction (à l'époque on ne parlait pas encore d'anticipation). D'autant plus qu'on n'était pas loin de Mai 68 et que dans nos esprits aussi juvéniles que cons, les dictatures étaient derrière nous, à l'âge de pierre comme qui dirait.
Le temps de me persuader que je l'avais, le temps, on était déjà en 1984 et j'avais pris une vingtaine d'années dans la tronche.
Je me souviens (un jour je te parlerai de Perec) que, dès 1983, le livre d'Orwell a commencé à envahir les têtes de gondoles et que ses éditeurs se sont frottés les mains. Je pense que ceux qui l'ont découvert à ce moment-là ont dû être un peu déçus. Ah, bon... Bof... Y a rien qui correspond... Eh oui ! Les élucubrations d'Orwell avaient un arrière-goût de prédiction de Paco Rabanne. C'était en 1984.

Seulement voilà... on est en 2008 et là, on s'aperçoit qu'Orwell s'est juste trompé sur la date, vingt ans de décalage (Rabanne s'est aussi trompé sur la date, mais lui, c'est à quelques milliards d'années près). On est en plein roman !
Nos gosses parlent en novlangue, 300 mots de vocabulaire parcimonieusement distillés par des émissions télé ineptes. Et quand ils inventent un nouveau mot, c'est juste pour en remplacer un autre. "C'est relou" à la place de "c'est lourd", ça change quoi ?
La guerre économique a lieu entre des grands groupes qui se font et se défont en phagocytant tout ce qui est petit et faible.
On écrit le futur à l'avance en serinant que tout va pour le mieux dans le meilleur des mondes possibles (un jour je te parlerai du Candide) et que 2+2=5, parce que si on prend ta petite épargne de ton petit livret A pour financer les gros parachutes des gros bonnets après avoir épongé leur merde, c'est tout bénef pour toi. Tu n'as rien à craindre.
Et rien à craindre non plus pour ta liberté de parler, de te déplacer, de penser (non, je ne te parlerai jamais de Florent Pagny). Même si tu es entouré de radars, de caméras, bientôt de micros. Même si tu es fiché, surfiché, sans même savoir où, ni par qui, ni pourquoi.

Tu n'as rien à craindre si tu n'as rien à te reprocher, mais surtout si personne n'a rien à te reprocher.
Un Londonien est filmé 300 fois entre son domicile et son lieu de travail. 300 fois en attendant l'installation de nouvelles caméras.
Orwell était Anglais et 1984 se passe à Londres.
Si ce n'est pas avoir le nez creux !...

Bon, Toto, pour ce qui est de la webcam que tu m'as demandée, euh... je vais réfléchir.

mercredi 1 octobre 2008

Les textes définitifs : La Bibliothèque de Babel


L'une des nouvelles du recueil Fictions de Jorge Luis Borges s'intitule La Bibliothèque de Babel.
Comme tu n'as pas de porte-monnaie et que tu peux toujours courir pour que je te confie le code de ma carte bleue, tu peux lire le texte ici.

Extraits :

L'univers (que d'autres appellent la Bibliothèque) se compose d'un nombre indéfini, et peut-être infini, de galeries hexagonales, avec au centre de vastes puits d'aération bordés par des balustrades basses. De chacun de ces hexagones on aperçoit les étages inférieurs et supérieurs, interminablement. La distribution des galeries est invariable. Vingt longues étagères, à raison de cinq par côté, couvrent tous les murs moins deux ; leur hauteur, qui est celle des étages eux-mêmes, ne dépasse guère la taille d'un bibliothécaire normalement constitué. Chacun des pans libres donne sur un couloir étroit, lequel débouche sur une autre galerie, identique à la première et à toutes. A droite et à gauche du couloir il y a deux cabinets minuscules. L'un permet de dormir debout ; l'autre de satisfaire les besoins fécaux. A proximité passe l'escalier en colimaçon, qui s'abîme et s'élève à perte de vue.
[...]
Chacun des murs de chaque hexagone porte cinq étagères; chaque étagère comprend trente-deux livres, tous de même format ; chaque livre a quatre cent dix pages ; chaque page, quarante lignes, et chaque ligne, environ quatre-vingts caractères noirs. Il y a aussi des lettres sur le dos de chaque livre ; ces lettres n’indiquent ni ne préfigurent ce que diront les pages.

Cette bibliothèque est parcourue par des hommes (dont le narrateur) qui naissent et meurent là, cherchant toute leur vie, au hasard, dans l'errance et l'espérance, le livre qui leur révèlera la Vérité.

Une autre superstition de ces âges est arrivée jusqu'à nous : celle de l’Homme du Livre. Sur quelque étagère de quelque hexagone, raisonnait-on, il doit exister un livre qui est la clef et le résumé parfait de tous les autres : il y a un bibliothécaire qui a pris connaissance de ce livre et qui est semblable à un dieu.

Car les livres de la Bibliothèque contiennent toutes les combinaisons possibles de caractères.

Petite pause avant le plongeon :
Contrairement à ce que pensent les hommes de la Bibliothèque, elle n'est pas infinie. Le nombre de livres non plus. De savants savants ont calculé que ce nombre comportait 1 834 097 chiffres, autant dire que, pour l'écrire, il faudrait presque un livre et demi de la Bibliothèque. Je n'ai pas encore découvert si quelqu'un avait essayé de calculer le volume de la Bibliothèque. Si tu trouves celui qui l'a fait, signale-le moi.


Et c'est là que ça devient intéressant :
Il y a dans la Bibliothèque tous les écrits (et même les paroles) du Monde, passés, présents et à venir, dans toutes les langues (au moins phonétiquement) passées, présentes et à venir.
Il y a la Bible, le Coran et le Kamasutra.
Il y a les pièces de Shakespeare et les oeuvres de Mao.
Il y a les poèmes de Baudelaire et ceux de Senghor.
Il y a les discours de De Gaulle et ceux d'Hiro Hito.
Il y a la preuve de l'existence de Dieu. Il y a la preuve de sa non-existence.
Il y a la formulation et la démonstration (en littéral) de tous les théorèmes, y compris ceux que l'on découvrira dans mille ans.
Il y a les textos que le jeune du dessus envoie à sa petite amie.
Il y a la biographie détaillée de tout ce qui peuple l'Univers : êtres vivants, morts ou futurs, objets et jusqu'à chaque atome, chaque particule.
Il y a la description de tous mes devenirs possibles et, parmi eux, celui qui adviendra réellement.
Il y a des milliers de livres qui ont le même texte à un signe près.
Il y a un livre qui contient mon nom répété jusqu'à la fin.
Il y a le texte de Borges.

STOOOPPP ! STOP ! Stop !
Je commence à avoir le vertige.

La seule chose que je rajouterai, c'est une petite pensée philosophique (de comptoir) comme j'ai coutume d'en pondre : parmi tous les livres qui ne contiennent rien d'intelligible pour l'instant, certains sont écrits dans un charabia imprononçable par quiconque et qui n'existera jamais dans le futur. Je crois que le Livre Ultime de la quête est parmi eux, inaccessible à tout être de l'Univers.

Qu'est-ce que tu penses de ça ?
Sacré Toto ! Toi, à part tes bits, rien ne t'impressionne.