mercredi 1 octobre 2008

Les textes définitifs : La Bibliothèque de Babel


L'une des nouvelles du recueil Fictions de Jorge Luis Borges s'intitule La Bibliothèque de Babel.
Comme tu n'as pas de porte-monnaie et que tu peux toujours courir pour que je te confie le code de ma carte bleue, tu peux lire le texte ici.

Extraits :

L'univers (que d'autres appellent la Bibliothèque) se compose d'un nombre indéfini, et peut-être infini, de galeries hexagonales, avec au centre de vastes puits d'aération bordés par des balustrades basses. De chacun de ces hexagones on aperçoit les étages inférieurs et supérieurs, interminablement. La distribution des galeries est invariable. Vingt longues étagères, à raison de cinq par côté, couvrent tous les murs moins deux ; leur hauteur, qui est celle des étages eux-mêmes, ne dépasse guère la taille d'un bibliothécaire normalement constitué. Chacun des pans libres donne sur un couloir étroit, lequel débouche sur une autre galerie, identique à la première et à toutes. A droite et à gauche du couloir il y a deux cabinets minuscules. L'un permet de dormir debout ; l'autre de satisfaire les besoins fécaux. A proximité passe l'escalier en colimaçon, qui s'abîme et s'élève à perte de vue.
[...]
Chacun des murs de chaque hexagone porte cinq étagères; chaque étagère comprend trente-deux livres, tous de même format ; chaque livre a quatre cent dix pages ; chaque page, quarante lignes, et chaque ligne, environ quatre-vingts caractères noirs. Il y a aussi des lettres sur le dos de chaque livre ; ces lettres n’indiquent ni ne préfigurent ce que diront les pages.

Cette bibliothèque est parcourue par des hommes (dont le narrateur) qui naissent et meurent là, cherchant toute leur vie, au hasard, dans l'errance et l'espérance, le livre qui leur révèlera la Vérité.

Une autre superstition de ces âges est arrivée jusqu'à nous : celle de l’Homme du Livre. Sur quelque étagère de quelque hexagone, raisonnait-on, il doit exister un livre qui est la clef et le résumé parfait de tous les autres : il y a un bibliothécaire qui a pris connaissance de ce livre et qui est semblable à un dieu.

Car les livres de la Bibliothèque contiennent toutes les combinaisons possibles de caractères.

Petite pause avant le plongeon :
Contrairement à ce que pensent les hommes de la Bibliothèque, elle n'est pas infinie. Le nombre de livres non plus. De savants savants ont calculé que ce nombre comportait 1 834 097 chiffres, autant dire que, pour l'écrire, il faudrait presque un livre et demi de la Bibliothèque. Je n'ai pas encore découvert si quelqu'un avait essayé de calculer le volume de la Bibliothèque. Si tu trouves celui qui l'a fait, signale-le moi.


Et c'est là que ça devient intéressant :
Il y a dans la Bibliothèque tous les écrits (et même les paroles) du Monde, passés, présents et à venir, dans toutes les langues (au moins phonétiquement) passées, présentes et à venir.
Il y a la Bible, le Coran et le Kamasutra.
Il y a les pièces de Shakespeare et les oeuvres de Mao.
Il y a les poèmes de Baudelaire et ceux de Senghor.
Il y a les discours de De Gaulle et ceux d'Hiro Hito.
Il y a la preuve de l'existence de Dieu. Il y a la preuve de sa non-existence.
Il y a la formulation et la démonstration (en littéral) de tous les théorèmes, y compris ceux que l'on découvrira dans mille ans.
Il y a les textos que le jeune du dessus envoie à sa petite amie.
Il y a la biographie détaillée de tout ce qui peuple l'Univers : êtres vivants, morts ou futurs, objets et jusqu'à chaque atome, chaque particule.
Il y a la description de tous mes devenirs possibles et, parmi eux, celui qui adviendra réellement.
Il y a des milliers de livres qui ont le même texte à un signe près.
Il y a un livre qui contient mon nom répété jusqu'à la fin.
Il y a le texte de Borges.

STOOOPPP ! STOP ! Stop !
Je commence à avoir le vertige.

La seule chose que je rajouterai, c'est une petite pensée philosophique (de comptoir) comme j'ai coutume d'en pondre : parmi tous les livres qui ne contiennent rien d'intelligible pour l'instant, certains sont écrits dans un charabia imprononçable par quiconque et qui n'existera jamais dans le futur. Je crois que le Livre Ultime de la quête est parmi eux, inaccessible à tout être de l'Univers.

Qu'est-ce que tu penses de ça ?
Sacré Toto ! Toi, à part tes bits, rien ne t'impressionne.

2 commentaires:

Anonyme a dit…

La Bibliothèque de l'Univers est fractale. Sans doute ne faut-il prendre qu'un seul livre, n'importe lequel puisqu'il représente, par métonymie, la possibilité de tous les autres, et y trouver la Vérité qui ne réside, depuis toujours, qu'en soi.
Moi aussi, comme tu vois, j'aime bien la philosophie de comptoir.
A bientôt.
Antoine Chainas.

Anonyme a dit…

Nononon !
Pas de fractale là-dedans, la partie n'est pas semblable au tout.
Quant à la métonymie, oui si tu prends LE livre car il contient tous les autres. Tout autre livre ne te dévoilera qu'une partie de la Vérité.
C'est l'objet de la métaphore. Les humains cherchent la Vérité Universelle sachant que chaque individu n'en possède qu'une parcelle (celle qui est en soi) avec l'espoir insensé d'être celui qui la détiendra un jour.
La Vérité Universelle n'est que la somme des Vérités individuelles et, si tant est qu'on puisse un jour l'appréhender, encore faudra-t-il la reconnaître.
Ouh là ! J'ai les circuits qui chauffent, moi.